« Les institutions face à l’effritement des normes d’éthique et des valeurs au Mali » est le thème d’un colloque initié par le ministère en charge de la culture, à travers la direction de la Pyramide du souvenir pour célébrer le 26 mars 2023.
Le Ministre Andogoly Guindo a présidé le colloque organisé par la Direction de la Pyramide du Souvenir, sous le thème « Les institutions face à l’effritement des normes d’éthique et des valeurs au Mali ». Pour la circonstance, il était accompagné de 3 autres ministres du gouvernement : le ministre de la communication, le ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille et le ministre chargé des réformes politiques et institutionnelles.
« La nation malienne, multiséculaire a conçu des valeurs sociétales basées sur le fervent attachement de chaque individu à la patrie, mais aussi sur des normes éthiques élevées de probité, d’intégrité, d’équité et de justice », a indiqué Andogoly Guindo. Avant de rappeler que dans la société traditionnelle, l’éducation était basée sur les vertus d’amour de la patrie, de courage, de dignité, du sens de l’honneur, de la parole donnée, le respect des aînés, le respect de la chose publique, l’amour du prochain, la solidarité…. Selon le Ministre, les principes éducationnels traditionnels tendent vers un seul but : fabriquer un homme accompli, pétri de l’éthique élaboré tout au long de l’histoire par la société pour satisfaire ses aspirations les plus profondes et les plus nobles. « Cette éthique était considérée comme le socle qui garantit l’équilibre et la solidité du groupe », a-t-il indiqué.
Mais, qu’à cela ne tienne, le Ministre a rappelé que notre pays, depuis plus d’une décennie connaît une crise multidimensionnelle. Selon lui, l’une de ses dimensions, pas toujours la mieux appréhendée est la dimension humaine et sociale, vécue à travers l’effritement pour ne pas dire l’écroulement des normes et règles éthiques et morales caractérisant de façon plus qu’ostentatoire le comportement du citoyen. « Au quotidien l’incivisme le dispute à l’incivilité, visible aux manquements aussi flagrants que fréquents aux règles et normes élémentaires, de respect de soi et de l’autre, de la chose et de l’ordre publics », a-t-il déclaré.
Et, grave, le Ministre est convaincu qu’aujourd’hui l’édifice national semble menacer par des vents nouveaux. « Toutes les sociétés au monde ont basculé d’une manière ou d’une autre vers de nouveaux rivages. Les répercussions du développement mondial semblent porter de graves préjudices sur ces vertus et ces valeurs », a-t-il estimé. Avant d’ajouter que depuis des décennies, nous progressons vers un effondrement social et moral de la société, à la perte de nos valeurs séculaires considérées inaltérables.
Le Ministre a énuméré des maux comme : l’irrespect des règles de vie commune, la perte des valeurs morales qui accentue le phénomène de la perte de l’autorité parentale, de l’effritement du tissu social et de l’autorité morale de la société, l’affaissement de l’autorité de l’Etat, avec leurs corollaires de corruption, d’incivisme, la dépravation des mœurs, la déviance, la délinquance etc. « Il en résulte également un effet induit pour la jeunesse qui reste sans repères, ni références », a-t-il déclaré. Et, de noter qu’à tout cela s’ajoute, la « décrépitude » de la citoyenneté.
« Face à cette crise identitaire et sociale, à la dégradation continuelle de nos valeurs culturelles ancestrales, une réponse urgente et appropriée s’avère nécessaire pour juguler ces fléaux à fin d’éviter un effondrement total de notre société », a-t-il fait remarquer. Et, d’annoncer que dans cette perspective, le Président de la Transition, Chef de l’Etat, le Colonel Assimi GOÏTA a instruit le Ministre de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme d’élaborer un document référentiel appelé « Charte d’Ethiques et des Valeurs du Mali ». Selon lui, la « Charte d’Ethiques et des Valeurs du Mali » est un document référentiel inspiré des principes, des us et coutumes ancrés dans les valeurs ancestrales et dans la civilisation universelle.
« Face à cette véritable crise de la citoyenneté, comment ne pas s’interroger sur ces valeurs sociétales ancestrales tant chantées, de respect, de sens de l’honneur et de la dignité en toute circonstance, cultivées au travers des âges et transmises de générations en générations pour conduire notre vivre ensemble ? », s’est questionné le Ministre en charge de la culture. Il a estimé que s’interroger est d’autant plus nécessaire, qu’en cette période charnière de la vie de notre Nation ou prédomine une réelle volonté de reformer l’Etat à la faveur d’un retour aux mêmes valeurs comme socle de toute refondation.
Le Ministre a ensuite indiqué que dans l’éducation aux valeurs, la primauté revient à la famille qui en est le berceau, à la société à travers ses diverses institutions et organisations communautaires, enfin à l’Etat par la force de la loi et l’autorité publique. Cependant, il a estimé que tout laisse à croire aujourd’hui, et nous y assistons souvent impuissants et parfois impassible que de façon insidieuse et irrémédiable, la famille, la société et même l’Etat abandonnent tout ou partie de leurs prérogatives et devoirs de transmission à la rue, aux masses médias et plus récemment aux réseaux sociaux qui infligent à des jeunes et moins jeunes laissés à eux-mêmes des modèles et des normes totalement contraires pour ne pas dire hostile à nos valeurs sociétales ancestrales. Pour tout cela, il dira que la démarche participe du débat national en cours sur le retour à nos valeurs comme fondement et socle de la refondation.
Quatre conférenciers pour quatre sous-thèmes
Dans le cadre de ce colloque, un comité scientifique présidé par le Pr Famagan Oulé Konaté, a été mis en place.
Dans sa communication, sur le thème « La Famille face d l’effritement des normes d’éthique et des valeurs au Mali », Mme Ouattara Djénébou Koné, a indiqué qu’ « aujourd’hui, la famille est confrontée à une crise identitaire et sociale caractérisée par I ’individualisme et la dégradation continue de nos valeurs culturelles ancestrales ». Et, pour éviter l’effondrement de la société malienne, elle a préconisé de s’inspirer des principes des us et des coutumes ancrées à la fois dans nos valeurs ancestrales et dans la civilisation universelle.
Pour ce qui concerne le thème sur « l’école face à l’effritement des normes d’éthiques et des valeurs », Dr Moriké Dembélé, a décrypté l’effritement des normes d’éthique et des valeurs observées en milieu scolaire. Il a mis l’accent sur le fait que l’institution scolaire résiste très peu à l’effritement des normes d’éthique et de valeurs sociales observées dans les autres instances de socialisation, comme la famille, l’Etat et la rue. Les raisons selon lui tiennent à la promotion et à la diffusion d’images de la réussite facile ; I ‘attachement aux biens matériels par l’accumulation ; la marchandisation de la « chose scolaire » ; les attitudes et les pratiques affairistes et clientélistes.
Pour sa part, en ce qui concerne le thème sur « Religion entre éducation et déviance : quel langage normatif pour le retour à nos valeurs sociétales ? », le Pr Adama Diokolo Coulibaly, a analysé les concepts de religion et de croyance. Il a aussi analysé les liens entre religion et éducation et la responsabilité des religions dans l’effritement de nos valeurs sociétales.
Quant au thème « Les religions face à l’effritement des Valeurs et des normes d’éthiques », Birama DIAKON, a démontré que la religion joue un rôle ambivalent : construction du lien social mais aussi destruction de la cohésion sociale au Mali.
Enfin, la communication sur « L’éducation à la citoyenneté dans la reconstruction de ’Etat du Mali », présentée par lbrahima DAMA, a été une belle occasion pour exposer les raisons de la crise de la citoyenneté au Mali. Il a souligné l’importance de l’éducation citoyenne dans la refondation de l’Etat malien. Selon lui, elle permettra à l’Etat malien d’avoir des citoyens, respectueux des valeurs sociétales telles que : le travail ; la discipline ; la solidarité ; le sens de l’honneur ; la séniorité ; le civisme ; le Sinankunya ; le Bandenya ; le Dambé etc.
Cet colloque a enregistré la participation de plusieurs personnes, notamment les membres du Mouvement démocratique ; les membres du Secrétariat général et du Cabinet du Ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie Hôtelière et du Tourisme ; les Directeurs des services centraux, rattachés et personnalisés du Ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie Hôtelière et du Tourisme ; les Représentants des Départements Ministériels ; le représentant du maire de la commune III ; les membres de l’AMS-UNEEM, de la FEDAMA, de l’ADVR, et du Groupe NYONGOLON ; la présidente de la commission d’organisation de la semaine des martyrs ; les membres de la commission d’organisation de la semaine des martyrs ; de nombreux journalistes et Pionniers.