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Le 26 Mars, un ancrage durable

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La conquête la plus précieuse de l’insurrection populaire du 26 Mars 1991 est le pluralisme des idées et dans l’action en société. La constitution du 2 juin 1974, conçue pour assurer la mainmise des militaires putschistes du 19 novembre 1968 sur le pouvoir ad vitam aeternam, en même temps qu’elle instituait

« un parti unique et constitutionnel «  instaurait un monolithisme de la pensée et de l’action. Tout citoyen malien est d’office membre du parti, le critiquer est une atteinte à la loi fondamentale lourdement condamnable, ne pas posséder sa carte de membre revient à renoncer à tout droit (notamment celui d’acquérir une parcelle d’habitation) voire à s’exposer au bannissement.

Le 26 Mars a fait exploser ce dispositif  liberticide et dégradant, un ersatz de tous les totalitarismes qui ont plongé le 20 ème siècle dans l’horreur: le nazisme hitlérien, le fascisme mussolinien, le communisme stalinien. Fruit des efforts conjugués des intellectuels patriotes et avant-gardistes, qui s’activaient dans des partis politiques clandestins; des jeunes diplômés sans emplois qui, les premiers, ont osé marcher dans les rues de Bamako pour clamer leur ras-le-bol et dénoncer l’indignité dans laquelle ils ont été trop longtemps enfermés; des étudiants et élèves groupés au sein de l’AEEM, qui réclamaient une école plus praticable; des travailleurs syndiqués, menés par l’UNTM, exigeant de meilleures conditions de travail et de vie ; des femmes qui ont décidé d’affronter les canons parce que n’en pouvant plus de voir leurs enfants tués ou mutilés par les balles sans réagir, le 26 Mars a apporté aux Maliens la liberté d’extérioriser leurs pensées, de s’exprimer à travers les media écrits et oraux, de créer ou d’adhérer aux formations politiques et associations de leur choix, de participer à des élections pour choisir leurs maires, leurs députés, leur président de la République sans risque de se retrouver en prison.

En un mot, cet événement, le plus important que le pays ait connu après la proclamation de son indépendance, le 22 septembre 1960, a ouvert la voie au système démocratique dont il est universellement admis qu’il est le plus performant des trois systèmes politiques jamais créés par la civilisation humaine, les deux autres étant l’autocratie (le gouvernement d’un seul homme) et la dictature (le gouvernement d’un petit groupe d’hommes).

Toutefois la construction de la démocratie, dont les Maliens attendaient l’allègement de leurs souffrances, à défaut de leur éradication, se révélera vite  un défi quasi impossible à relever avec la guérilla politique incessante pour le contrôle du pouvoir (y compris au sein de l’ADEMA-PASJ censée le détenir ); l’instabilité sociale permanente autour de revendications catégorielles non satisfaites, entraînant des destructions d’édifices publics et privés; la reprise de la rébellion armée au nord. Toutes choses qui caractérisèrent et fragilisèrent la décennie au pouvoir du Pr Alpha Oumar Konaré.

A la faveur du  consensualisme qu’il a  acclimaté au Mali, son successeur Amadou Toumani Touré, qui a porté avec bonheur le sobriquet de « soldat démocrate », a réussi une accalmie qui lui a permis de faire progresser sensiblement l’économie et de prendre en charge, de façon assez significative, la forte demande sociale notamment en santé, en éducation, en habitat social. Hélas, c’est vers la fin de son deuxième quinquennat qu’une coalition formée de rebelles fuyant la Libye après la mort de Kadhafi et de djihadistes a occupé le nord du pays, entraînant  » la mutinerie-coup d’Etat «  du 22 mars 2012 qui le contraindra à un douloureux exil.

Les sept années de régime IBK, qui suivront à partir d’août-septembre 2013, seront un pis-aller pour le Mali et sa démocratie. Livré à une corruption sans borne, le pays sombre dans les scandales financiers, perd de larges parties de son territoire au profit des djihadistes triomphants, les élections deviennent des parodies, le peuple, fatigué et mécontent, envahit la rue à l’appel de l’imam Mahmoud Dicko et du M5-RFP et revoici les militaires. Dire qu’en avril 1991, lors de la Conférence Nationale, ils avaient demandé « pardon au peuple malien » pour tout le mal que la dictature de Moussa Traoré lui avait infligé durant 22 longues années.

Faut-il, pour autant, en déduire que le 26 Mars n’a été qu’ « un pauvre instant » (Shakespeare) passé aux oubliettes de l’histoire ? Que non ! Il a été un moment fort dans la maturation politique du peuple malien. Il reste un acquis dont ce dernier n’est pas près de se séparer. La preuve en est que malgré la disparition programmée  de la Constitution du 25 février 1992, sortie de ses entrailles, le Mali a vocation à rester  » une République démocratique, laïque et sociale » le projet de nouvelle Constitution ayant fait sienne cette proclamation. Il appartient aux forces politiques et sociales d’œuvrer à ce que l’ancrage perdure et se fortifie.

Saouti HAIDARA

Source : l’Indépendant

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