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Les dix pays africains les plus endettés… et à la grande fragilité face à la crise

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Plusieurs pays africains connaissent un niveau élevé d’endettement, les rendant plus fragiles face à la crise mondiale actuelle. Mais les pays les plus endettés du continent sont loin d’être ceux auxquels l’on pourrait penser.

Selon les dernières statistiques du FMI, les dix pays africains affichant le taux d’endettement le plus élevé début 2020 sont les suivants : le Soudan, avec une dette publique équivalant à 207 % du PIB, l’Érythrée (165,1 %), le Cap-Vert (123,5 %), le Mozambique (108,8 %), l’Angola (95,0%), la Zambie (91,6 %), l’Égypte (84,9%), la Gambie (80,9%), la Mauritanie (78,5 %) et la République du Congo (ou Congo-Brazzaville, 78,5 %).

Ce classement correspond donc au niveau d’endettement des pays africains juste à la veille de la crise économique actuelle, liée au Covid-19. À ce stade, ces données peuvent être considérées comme étant les plus pertinentes pour effectuer des comparaisons, vu que les conséquences économiques de la pandémie actuelle pour l’année en cours ne peuvent encore être correctement estimées, et en particulier pour les pays en développement.

Les « surprises » du classement

Le classement est donc dominé par le Soudan, pays d’Afrique connaissant une grave crise économique et qui est en période de transition politique depuis le coup d’État d’avril 2019. Une situation regrettable pour un pays qui n’est autre que le second producteur d’or du continent, après le Ghana, et qui a le grand avantage d’être abondamment irrigué par le Nil, le plus long des fleuves africains, et ses affluents. Il est d’ailleurs à noter que le Soudan fait désormais partie des cinq pays les plus pauvres du continent, avec un PIB par habitant de seulement 442 dollars début 2020. 

Un autre élément surprenant du classement consiste en la place occupée par l’Angola, qui arrive au cinquième rang des pays africains les plus endettés. En effet, ce pays dispose également de très importantes richesses naturelles, et en particulier le pétrole dont il est le deuxième producteur continental, après le Nigeria. Toutefois, et comme pour ce dernier, l’Angola connaît aussi un déclin économique et un appauvrissement, avec en moyenne une croissance annuelle négative de -1,0 % sur la période de cinq années allant de 2015 à 2019 (et seulement 1,2 % pour le Nigeria), soit un taux largement inférieur au taux de croissance démographique du pays (3,3 % en moyenne sur la même période). Une évolution qui s’est notamment traduite par une baisse de 85 % de la valeur de la monnaie nationale par rapport au dollar depuis 2014 (près de 60% pour le Nigeria), et qui devrait se poursuivre pendant les quelques prochaines années, au moins, selon les prévisions en la matière, et comme pour le Nigeria. Ces deux pays souffrent notamment d’une tendance à la baisse de leur production pétrolière, et ne sont pas parvenus à diversifier leur économie et leurs exportations, qui reposent toujours presque uniquement sur les hydrocarbures (98 % pour l’Angola, et 94 % pour le Nigeria).

Enfin, ce classement fait apparaître qu’il n’y a que deux pays francophones parmi les dix pays les plus endettés du continent, et qui ne sont qu’à la 9e et à la 10e place, à savoir la Mauritanie et la République du Congo. Cette dernière devrait d’ailleurs sortir des dix premières positions au cours de l’année 2020 (mais il convient là de rappeler, encore une fois, qu’il est encore trop tôt pour avancer des estimations suffisamment fiables pour l’année en cours, compte tenu du contexte très particulier que le monde connaît actuellement).

L’Afrique francophone, partie la moins endettée du continent

L’Afrique francophone est d’ailleurs globalement la partie la moins endettée du continent, avec un taux d’endettement global de 50,1 % du PIB pour cet ensemble de 25 pays début 2020, et de 44,1 % pour sa partie subsaharienne composée de 22 pays (en tenant compte de la dette publique et du poids de chacune de leurs économies, selon les données disponibles mi-2020). Pour le reste du continent, le taux s’établit à 58,9 % pour l’ensemble de l’Afrique non francophone, et à 53,4 % pour sa partie subsaharienne. Le niveau d’endettement global de l’Afrique francophone est d’ailleurs largement inférieur à celui de la majorité des pays développés.

Cette assez bonne maîtrise de la dette, globalement, résulte en grande partie de la forte croissance économique que connaissent la plupart des pays d’Afrique subsaharienne francophone. Celle-ci constitue d’ailleurs la zone la plus dynamique – et historiquement la plus stable – du continent, dont elle a enregistré en 2019 les meilleures performances économiques pour la sixième année consécutive et pour la septième fois en huit ans. Sur la période 2012-2019, la croissance annuelle de cet ensemble de 22 pays s’est ainsi établie à 4,4% en moyenne (5,0 % hors cas très particulier de la Guinée équatoriale), contre 2,8% pour le reste de l’Afrique subsaharienne. Un dynamisme qui est particulièrement élevé au sein de l’espace UEMOA, qui n’est autre que la plus vaste zone de forte croissance du continent, avec une hausse annuelle du PIB de 6,4 % en moyenne sur cette même période de huit années.

Ces performances résultent elles-mêmes des nombreuses réformes accomplies par la majorité des pays francophones, et notamment en matière de bonne gouvernance, de diversification et d’amélioration du climat des affaires (même si de nombreux progrès restent à accomplir). Sur ce dernier point, certains pays ont ainsi réalisé un bon considérable entre les classements Doing Business 2012 et 2020, publiés par la Banque mondiale, et notamment le Togo (passé de la 162e à la 97e place), la Côte d’Ivoire (de la 167e place à la 110e place), le Sénégal (de la 154e à la 123e) ou encore le Niger (passé de la 173e à la 132e place). Ce dernier talonne ainsi désormais le Nigeria (131e), et fait largement mieux que l’Angola (177e) ou encore que l’Éthiopie (159e). 

Grâce à ce dynamisme, la Côte-d’Ivoire vient par exemple de dépasser le Nicaragua en termes de richesse par habitant, pour devenir le premier pays africain au sous-sol pauvre de l’histoire à devancer un pays d’Amérique hispanique, avec un PIB par habitant de 2 286 dollars début 2020, contre 1 913 dollars (hors très petits pays de moins de 1,5 million d’habitants, majoritairement insulaires et ne pouvant être pris en compte pour de pertinentes comparaisons). Et ce, tout en ayant réussi l’exploit de dépasser le Ghana et le Nigeria, deux voisins regorgeant de richesses naturelles, pour devenir le pays le plus riche de toute l’Afrique de l’Ouest (2 202 dollars et 2 230 dollars par habitant, respectivement pour ces derniers). Quant au Niger, géographiquement pénalisé par son enclavement, il vient de réussir la performance de dépasser la Sierra Leone, et de quitter ainsi la place peu enviable de pays le plus pauvre d’Afrique de l’Ouest (555 dollars par habitant, contre 504 dollars). Enfin, des pays comme le Mali et le Bénin, qui ne font pourtant pas partie des plus riches de leur région, ont même un PIB par habitant supérieur à des pays comme l’Éthiopie ou le Rwanda, situés en Afrique de l’Est et bénéficiant d’une couverture médiatique favorable.

Au passage, et au niveau continental, il est à noter qu’il n’y a désormais plus qu’un seul pays francophone parmi les cinq pays les plus pauvres, tous situés en Afrique de l’Est (à savoir le Burundi, et les quatre pays anglophones que sont le Soudan du Sud, devenu le pays le plus pauvre du monde, le Malawi, la Somalie et le Soudan). De plus, il convient de souligner que les pays francophones sont globalement les moins inégalitaires du continent, la République centrafricaine semblant même être le seul pays francophone parmi les dix pays africains les plus inégalitaires (arrivant à la cinquième position pour l’indice GINI, selon les données de la Banque mondiale, toutefois basées sur des enquêtes pas toujours récentes en la matière). Enfin, il n’y a aujourd’hui plus aucun pays francophone dans les six dernières places du classement international de la Banque mondiale pour le climat des affaires, désormais majoritairement occupées par des pays anglophones (en 2012, cinq des six derniers étaient francophones).

Cette évolution globalement favorable de l’Afrique francophone n’était d’ailleurs pas aussi facilement prévisible il y a quelques décennies, au moment des indépendances. En effet, il convient de rappeler que le Royaume-Uni avait pris le contrôle des terres les plus fertiles du continent (le Ghana, la Nigeria – avec le delta du fleuve Niger et ses affluents, le Soudan et le Soudan su Sud – avec le Nil et ses affluents, la Tanzanie, le Zimbabwe…), ainsi que des territoires les plus riches en matières premières (les trois premiers pays producteurs d’or du continent, que sont le Ghana, le Soudan et l’Afrique du Sud – longtemps premier producteur mondial en la matière, le premier producteur de pétrole qu’est le Nigeria – devant l’Angola, ancienne colonie portugaise, le premier producteur de diamants qu’est le Botswana, ou encore le deuxième producteur de cuivre qu’est la Zambie). L’Afrique francophone a donc réussi son rattrapage par rapport au reste du continent, dont elle constitue même désormais la partie la plus prospère, globalement (ou la moins pauvre, selon la manière de voir les choses). 

Globalement, les pays francophones sont donc mieux armés pour faire face à la crise majeure que traverse aujourd’hui le monde. Certes, le niveau d’endettement n’est pas le seul élément qui compte, mais il demeure incontestablement l’un des plus importants, avec de sérieuses conséquences aussi bien sur la capacité d’un pays à se relever que sur sa souveraineté.

Source: cermf.org

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