Dans le plan d’action 2020-2024 de la CEDEAO, le montant des contributions obligatoires aux efforts de lutte contre le terrorisme est d’un milliard de dollars. La conférence des chefs d’Etat de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a instruit le président de la commission de la CEDEAO, le Gambien Dr. Omar Alieu TOURAY d’engager le dialogue avec les Etats membres en vue d’un accord sur les modalités de mobilisation de ce montant.
Dans le plan d’action 2020-2024 de la CEDEAO, il est prévu la mise en place d’une force régionale de lutte contre le terrorisme et de rétablissement de l’ordre constitutionnel. Mais doit-on douter de la capacité des Etats membres à mobiliser un milliard de dollars. Comme à leur habitude, les Etats africains comptent certainement sur les appuis des puissances économiques et financières hors du continent, pour rassembler un tel montant. Le Budget 2023 du Mali présente un déficit global de 695,995 milliards de FCFA (2 199, 908 milliards de francs CFA en recettes et 2 895,903 milliards de francs CFA en dépenses). Celui du Burkina Faso présente un déficit de 604,7 milliards (2 631,3 milliards de FCFA en recettes et 3 235,9 milliards de FCFA en dépenses). Le budget 2023 du Niger a été équilibré à un montant de 3 291, 62 milliards FCFA. Quel recours peut avoir un Etat dont le budget est déficitaire, sinon que de recourir à l’aide extérieure?
Mais sans ignorer que le financement étranger a un prix. Il peut coûter la souveraineté des Etats et compromettre la liberté des choix stratégiques et des choix de partenaires opérés par les Etats. En soixante années d’indépendance, qu’ont ils fait d’autres que s’endetter sans bien gouverner et compromettre l’avenir? La CEDEAO ne semble pas être prête à rompre avec les habitudes qui ne construisent pas un avenir radieux au continent noir.
Les Etats occidentaux ne mettent la main à la poche que lorsque les Etats africains veulent bien respecter au doigt et à l’œil, des conditionnalités le plus souvent non écrites, et qui annihile la souveraineté nationale des bénéficiaires de dettes et de dons. C’est le cas lorsque des pays européens s’opposent et empêchent des Etats africains, qui veulent se soustraire du joug de la domination pernicieusement colonialiste, d’acquérir leurs moyens de défense nationale ou de choisir librement leurs partenaires. Ce jeu de relations entre partenaires africains et occidentaux liés par l’histoire, se passe tout sous un parfum de convoitise géostratégique des ressources nationales des premiers.
Les exemples font légions, à l’instar des cas malien et centrafricain, les pressions occidentales ayant contraint ces pays divisés et menacés dans leur existence, à se tourner finalement vers la Russie de Vladimir Vladimirovitch Poutine, à s’armer à volonté pour bouter l’ennemi dehors, à s’organiser pour un choix libre de leurs partenaires et à mieux défendre les intérêts de leurs peuples.
En optant pour être souverains et libres dans les choix stratégiques et les choix des partenaires, les pays africains savent désormais qu’ils peuvent également se passer de l’aide au développement de certains pays dits développés (mais qui dépendent autrement des ressources africaines). Ces grandes puissances ont différents procédés pour profiter des ressources africaines avec la complicité de leurs sbires de service dans nos administrations (contrats miniers, exportation d’Afrique des matières premières africaines en se reposant sur l’absence entretenue d’unités industrielles locales suffisantes), qui n’ont aucune considération pour l’intérêt général des Peuples.
Ainsi dans ce contexte où des Etats africains décident de prendre leur destin en main, en exigeant le respect des principes souverains comme ceux édictés par le président de la transition malienne Colonel Assimi Goïta, sachant bien que prendre de tel risque peut avoir des conséquences, le moindre mal serait d’être confronté au refus des puissants partenaires de financer l’aide au développement. Avec de tels principes que revendiquent de plus en plus de peuples africains, comme au Mali, au Burkina Faso, au Niger, en Guinée Conakry, en Centrafrique, au Tchad, les organisations africaines ont de moins en moins d’assurance à obtenir le financement des puissances occidentales.
La CEDEAO qui entendait tout mettre en œuvre pour que la prise du pouvoir par les militaires au Mali (où le Président IBK a été déposé le 18 août 2020), ne fasse pas tache d’huile, n’a pu empêcher le même phénomène de se reproduire (et de deux) au Burkina Faso et en Guinée. Les hommes forts au Mali, au Burkina Faso et en Guinée, ne disent pas autre chose que le slogan scandé par les peuples du Niger et du Tchad, de la Centrafrique: souveraineté; respect des choix stratégiques et des choix de partenaires opérés; prise en compte des intérêts du peuple dans les prises de décisions.
Si les Etats africains de la CEDEAO à eux seuls ne peuvent pas mobiliser un milliard de dollars, il est difficile de parier sur l’éventualité d’un financement par des partenaires à qui il est recommandé de ne pas lorgner sur des conditionnalités. D’ailleurs, ces partenaires n’ont pas attendu les discours qualifiés de populistes, pour trainer le pied à financer les projets économiques ou sécuritaires de la sous région Ouest africaine. Le cas du G5 Sahel dont le financement n’a jamais pu être une réalité est assez éloquent.
Il y a sans doute un manque de solidarité envers cette partie du monde aux populations connaissant les affres de la sécheresse, de la mal gouvernance et de l’insécurité. Lors de la conférence sur la sécurité de Munich, le 17 février 2023, le Représentant spécial en Afrique centrale et Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale (UNOCA), Abdou Abarry, n’a pas eu sa langue dans sa poche. Il a fustigé ceux qui relèguent au rang de menace régionale, la menace terroriste dans le Sahel. Selon Abdou Abarry, «Si la menace sécuritaire n’est pas régionale quand il s’agit de l’Ukraine, la menace terroriste ne peut pas être considérée comme étant une affaire régionale lorsqu’il s’agit des pays du Sahel».
Abdou Abarry a dénoncé la politique de deux poids deux mesures, qui n’a pas permis de financer les opérations de la force conjointe du G5 Sahel. Malgré l’appel du Conseil de sécurité avec l’ensemble des membres africains du Conseil de sécurité, à mobiliser 423 millions de dollars pour pouvoir rendre opérationnelle la force du G5 Sahel, on n’a pas pu le faire aujourd’hui, s’indigne le Représentant spécial onusien. C’est vrai. On voit la débauche d’énergie, on voit le financement, on voit les transferts d’armes qui vont en direction de l’Ukraine. Et il est tout à fait normal en tant qu’Africain, qu’on se pose des questions sur cette forme de solidarité», s’est interrogé Abdou Abarry.
Si on regarde un peu plus en arrière, on se rappelle que La Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD), qui regroupait 29 Etats africains ne reposait en réalité que sur un engagement africaniste du leader libyen Mouammar Kadhafi, qui en avait les moyens. Après son assassinat, le 20 octobre 2011, à Syrte en Libye par les forces alliées de l’OTAN, cette Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD), après une vaine tentative de reprise par le Roi du Maroc, est retombée dans une longue hibernation, faute de financement.
Les organisations africaines sont fortes à monter des projets ambitieux, comme celui de la CEDEAO prévoyant la mobilisation d’un milliard de dollars en vue de la mise en place d’une force régionale de lutte contre le terrorisme et de rétablissement de l’ordre constitutionnel. Suivons donc les déplacements du Gambien Dr. Omar Alieu Touray, le président de la commission de la CEDEAO, que la Conférence des chefs d’Etat de la Communauté, tenue le samedi 18 février 2023, en marge de la 36ème session ordinaire de l’Union africaine à Addis-Abeba, a instruit d’engager le dialogue avec les Etats membres, en vue d’un accord sur les modalités de la mobilisation d’un milliard de dollars de contributions obligatoires. Wait and see!