« Petite bouée », « brioche », « bidon » ou encore « poignées d’amour », nombreux sont les surnoms affectueux qui existent pour décrire ce petit amas de gras accroché au ventre. Mais la graisse abdominale, ou graisse viscérale comme l’appellent les médecins, n’est pas anodine pour la santé. En excès, cette accumulation de graisse autour des organes localisés dans l’abdomen est un facteur de risque pour la santé.
« Un booster de maladies cardiovasculaires et métaboliques »
« Le tour de taille est un indicateur de santé : mieux vaut éviter d’avoir trop de graisse abdominale, prévient le Dr Frédéric Saldmann, cardiologue, nutritionniste et auteur de Votre santé sans risque (éd. Albin Michel). Cela augmente considérablement le risque de maladies cardiovasculaires, le risque de maladies métaboliques comme le diabète, ainsi que le risque de cancer ». Un facteur de risque qui augmente tant pour les hommes que pour les femmes.
Par quels mécanismes la graisse abdominale déploie-t-elle ses effets délétères ? « Cette graisse viscérale n’est pas un tissu inerte, elle est composée de cellules graisseuses et est aussi très vascularisée, explique le Pr Claire Mounier-Vehier, cardiologue et présidente de la Fédération française de cardiologie. Elle sécrète des substances inflammatoires qui favorisent la rigidité et le vieillissement des artères. Parallèlement, cet excès de graisse abdominale active l’insulinorésistance et stimule le système nerveux sympathique, ce qui peut à terme précipiter un AVC, ou favoriser le développement d’un anévrisme aortique. L’excès de graisse abdominale est une maladie de l’environnement, et c’est un booster de maladies cardiovasculaires ».
Faut-il s’inquiéter pour un petit bourrelet localisé sous le tee-shirt ? Non, la graisse abdominale représente un danger pour la santé « au-delà de 88 cm de tour de taille pour les femmes, et dès 102 cm de tour de taille pour les hommes, indique le Pr Claire Mounier-Vehier. Dès lors, les risques cardiovasculaires et les risques de diabète sont multipliés par deux à trois », prévient la cardiologue. En pratique, « mieux vaut un corps en forme de poire que de pomme, illustrent de concert le Pr Mounier-Vehier et le Dr Saldmann. Avoir de la graisse localisée dans le bas du corps n’a pas l’impact délétère qu’a la graisse localisée autour de l’abdomen ». En clair, « avoir de grosses fesses est moins dangereux pour la santé qu’un gros ventre », ajoute le Dr Saldmann.
Le fruit d’une hygiène de vie inadaptée
Le plus souvent, c’est au fil des ans que cet excès de graisse s’installe lentement mais sûrement. En cause, des modes de vie sédentaires, auxquels s’ajoutent le stress du quotidien, des repas pas toujours équilibrés et un manque d’activité physique. « La graisse abdominale localisée en excès autour de l’abdomen correspond à de mauvaises habitudes alimentaires, c’est que l’on mange trop, trop gras et trop sucré, et que l’on consomme trop de boissons alcoolisées, indique le Dr Frédéric Saldmann. Cela augmente l’encrassement des artères ».
Par ailleurs, il y a un facteur environnemental de risque à ne pas négliger. « L’alimentation contient des pesticides, en particulier pour les produits transformés, poursuit le cardiologue et nutritionniste. Ainsi que des substances chimiques et des perturbateurs endocriniens. Or, quand on consomme ces produits en excès, toutes ces substances toxiques vont se loger profondément dans la graisse abdominale et n’en partent pas. C’est ainsi que les personnes obèses sont davantage touchées par le cancer, en raison notamment de ce facteur environnemental, et d’une surconsommation de sucre, qui est l’un des carburants des cellules cancéreuses ».
Un raccourcisseur d’espérance de vie
Conséquence : en excès, la graisse abdominale se transforme en raccourcisseur d’espérance de vie. « Un homme dont le tour de taille passe de 90 à 110 cm augmente de 50 % son risque de décès prématuré, avertit le Dr Saldmann. Et une femme dont le tour de taille passe de 70 à 90 cm augmente quant à elle ce risque de 80 % ».
Pour les personnes en grand surpoids, le risque explose : « si le tour de taille est égal à 80 % de la hauteur, soit par exemple plus de 136 cm de tour de taille pour une personne mesurant 1,70 mètre, son espérance de vie sera considérablement raccourcie, et elle mourra en moyenne 17 ans plus tôt que la moyenne », ajoute le Dr Saldmann.
« Transpirer » pour se débarrasser de sa graisse abdominale
Heureusement, il est possible de rectifier le tir. Mais pour faire fondre sa bouée et réduire son potentiel impact négatif sur la santé, il n’y a pas de secret, « il faut restaurer un bon équilibre alimentaire, et il faut bouger, prescrit le Pr Mounier-Vehier, ne pas rester statique, notamment lorsqu’on est sédentaire et que l’on passe sa journée assis(e) à son bureau ». On veille à « faire des petites pauses toutes les deux heures pour se lever et se dégourdir les jambes. Et surtout, il faut pratiquer une activité physique régulière », mais pas n’importe laquelle.
Pas la peine de vous échiner à enchaîner les séries d’abdos, le mieux pour faire fondre le gras de son ventre, « c’est pratiquer au moins deux fois par semaine une activité physique d’endurance, qui fait transpirer, prescrit la cardiologue. Marche rapide, vélo, natation ou encore prendre les escaliers au lieu de l’ascenseur : c’est tout cela qui va consumer des calories et de la graisse abdominale ». Un conseil qui s’adresse à tous et en particulier « aux femmes ménopausées, précise le Pr Mounier-Vehier, parce que le bouleversement hormonal induit par la ménopause favorise le développement des adipocytes abdominaux. Ainsi, à la ménopause, une femme sur deux est atteinte d’obésité abdominale ». Et il vaut mieux s’attaquer au problème le plus tôt possible. « Plus on est jeune et plus il est facile de réduire son taux de graisse abdominale avec une hygiène de vie saine, indique la cardiologue. Avec le temps, les tissus adipeux deviennent de plus en plus fibreux et difficiles à éliminer ».