L’expert indépendant des Nations unies pour le Mali fait une fois de plus parler de lui a travers un rapport à charge contre les pouvoirs maliens. Son dernier rapport relève entre autres les nombreuses restrictions de liberté et atteintes aux droits humains ainsi qu’une détérioration de la situation sécuritaire consécutive au départ des forces françaises.
L’expert sénégalais y exprime d’entrée de jeu sa vive préoccupation devant ce qu’il présente comme une réduction drastique de la liberté d’expression, de presse et d’association ainsi que le règne de l’autocensure sur fond de lynchage médiatique des défenseurs des droits humains. Son allusion inclut notamment sa propre personne, en tant que la cible «d’attaques verbales sur les réseaux sociaux» ainsi que le Directeur de la Division des droits de l’homme de la MINUSMA déclaré “persona non grata ” par les autorités de la Transition.
Alioune Tine est somme toute formel en accusant l’Etat malien de tentative d’asphyxie et de sabordage du travail des défenseurs des droits humains présentés comme des ennemis de la patrie à la solde de «puissances étrangères hostiles aux autorités du Mali». Il en résulte, selon le rapport, le règne d’une autocensure qui affecte tout aussi bien un espace médiatique dominé par le musèlement d’opinions dissidentes par arrestations et intimidations d’acteurs gênants.
«Parmi ces sujets tabous figurent notamment les allégations des violations ou atteintes aux droits humains attribuées aux Forces de défense et de sécurité maliennes et aux membres du personnel militaire et de sécurité russe (que plusieurs acteurs avec lesquels je me suis entretenu au Mali désignaient par le nom de Wagner», peut-on lire dans le document dont l’auteur s’inquiète des implications de toutes ces dérives sur l’atmosphère électorale en gestation.
Au nombre des sujets examinés par l’expert indépendant figure également une situation sécuritaire rendue délétère, à ses yeux, par le départ de la France et la rupture des ponts avec les apports français à l’économie malienne. A contre-courant des slogans de montée en puissance de l’armée et des pertes infligées au terrorisme par les nouvelles acquisitions d’arsenaux, Alioune Tiné soutient qu’aucune région malienne n’est désormais épargnée par les irrésistibles tentacules des groupes violents. Et son rapport de laisser entendre que les populations civiles paient le plus de tribut à l’insécurité, avec l’occupation progressive du terrain par les groupes terroristes depuis le retrait de force Barkhan. Le nombre de civils tombés est ainsi passé de 584 en 2021 à 1.277 en 2022 soit une hausse de 118%, sans compter les populations contraintes au déplacement par la violence des groupes terroristes. Il s’y ajoute, selon le même rapport, des milliers de personnes affectées par le choix des autorités de réagir à la suspension de l’aide française au développement par l’interdiction des activités de toutes les ONG bénéficiant des appuis financiers ou techniques de la France. Toutes choses auxquelles il attribue implicitement l’aggravation d’une catastrophe humanitaire qu’illustre déjà la position du Mali en termes d’indice de développement humain (IDH), soit 186 eme sur 191 pays.
Comme qui dirait les principes directeurs d’affirmation de souveraineté et de prise en compte des intérêts stratégiques, entre autres, n’ont produit que des effets subversifs dans le domaine de la lutte contre l’insécurité, sur laquelle se fonde par ailleurs la réduction des espaces de liberté.