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CIBLE DE LA DIPLOMATIE DE L’ISOLEMENT : LE MALI REFUSE DE SACRIFIER SA SOUVERAINETÉ SUR L’AUTEL DES PARTENARIATS INFRUCTUEUX

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Chaque fois que le Mali pose maintenant un acte dans le sens de la réaffirmation de sa souveraineté nationale, celui-ci est automatiquement interprété et condamné comme une action d’isolement. C’est ainsi le cas depuis l’expulsion de Guillaume Ngefa-Atondoko Andali (Directeur de la Division des droits de l’Homme de la MINUSMA) par le gouvernement de transition du Mali le 5 février 2023.

Ceux qui ont condamné cette décision souveraine ont minimisé les faits reprochés à l’intéressé parce que le Mali est un pays en crise, il doit fermer les yeux sur toutes les malveillances à son égard afin de consolider ses rapports avec tous. Comme dans les cas précédents d’expulsion, les faits sont pourtant d’une extrême gravité. En effet, le ministère des Affaires étrangères l’a accusé de s’adonner à   «des agissements déstabilisateurs et subversifs» contraire au comportement d’un fonctionnaire des Nations unies.

Il fait ainsi allusion à la sortie de Aminata Dicko devant le Conseil de sécurité de l’ONU le 27 janvier 2023 pour charger les Forces armées maliennes (FAMa) et leurs alliées de divers crimes de guerre sans aucune preuve tangible. Une situation dénoncée devant le Conseil de sécurité par le chef de la diplomatie malienne comme un acte «d’instrumentalisation de la société civile». A noter que, outre  le gouvernement,  le Conseil national de la société civile  et  la Coordination des associations et Ong féminines du Mali (CAFO) ont désavoué celle qui a prétendu  porter leur voix devant le Conseil de sécurité des Nations unies.

Et pourtant, ailleurs des pays posent chaque jour des actes de rappel de leur souveraineté sans qu’aucun expert ni aucune organisation ne crie au scandale. Ainsi, dans un climat de tensions entre le Maroc et la France, le roi Mohammed VI a récemment mis fin aux fonctions de l’ambassadeur du Maroc en France sans qu’un successeur ne soit désigné. Cela semble acceptable pour tous les oiseaux de mauvais augure parce que le Royaume Chérifien n’est pas n’importe quel pays dans la géostratégie mondiale.

La relation entre Paris et Alger est entrée dans une nouvelle période de crise le 8 février 2023 avec la décision du président Abdelmadjid Tebboune de rappeler «pour consultations» l’ambassadeur algérien en France. Un geste de mauvaise humeur répondant à l’intervention le 6 février de l’ambassade de France à Tunis (Tunisie) pour éviter à l’opposante algérienne Amira Bouraoui (détentrice d’un passeport français) d’être extradée vers l’Algérie à partir de la Tunisie où elle était entrée illégalement trois jours plus tôt afin de s’y réfugier. Là aussi, c’est normal ! C’est quand il s’agit du Mali, que cela fait jaser et on crie à l’entêtement pour accroître «l’isolement d’un pays en crise».

Un pays souverain doit-il être isolé parce qu’il exige le respect de sa souveraineté ?  C’est cette injustice que la France et ses alliés (CEDEAO, lobbies…) font pourtant subir à notre pays depuis que nos autorités de la transition ont eu «le culot» de remettre en cause sa présence militaire dans notre pays voire dans le Sahel. Aux yeux de tous ceux qui tirent sur nous, le crime du Mali est d’avoir choisi de diversifier ses partenaires dans la lutte contre le terrorisme.

Mali-Russie, un partenariat militaire payant sur le terrain

«Le Mali risque l’isolement sur la scène internationale en faisant de la Russie son nouvel allié stratégique», a déploré l’organisation internationale «Crisis Group» dans un rapport rendu public le 9 février 2023. Un document intitulé : «Mali, éviter le piège de l’isolement» (briefing Afrique de Crisis Group N°185). Et de préciser que, après le coup d’Etat de mai 2021, «les autorités maliennes ont tourné le dos à la France et fait de la Russie leur principal allié militaire. Par ce revirement stratégique, les dirigeants cherchent à conforter leur popularité et à offrir de nouvelles perspectives au pays après dix ans d’aggravation de la situation sécuritaireElles justifient le partenariat avec Moscou par la nécessité d’acquérir plus facilement des équipements militaires afin d’appuyer un effort de reconquête des territoires sous l’emprise des jihadistes».

«De nombreuses interrogations subsistent sur les contours de ce partenariat et sur les résultats de ce rapprochement, mais aussi sur les risques associés à une rupture avec l’Occident, notamment sur le plan économique. Les autorités maliennes devraient explorer les voies d’une diplomatie rééquilibrée, moins clivante. Elles devraient réévaluer leur approche face aux groupes insurgés en privilégiant les réponses politiques endogènes, en envisageant notamment de renouer avec les stratégies de dialogue», conseille-t-elle.

Selon Crisis group, la Russie ne sera pas plus en mesure que la France de régler les problèmes sécuritaires puisqu’elle se focalise sur une approche militaire. Et l’organisation non gouvernementale (indépendante à but non lucratif) suggère au Mali d’apaiser les relations avec la CEDEAO, s’il veut parvenir à endiguer l’insécurité. De 2012 à nos jours, quel a été l’apport réel de la Cédéao dans la lutte contre le terrorisme au Mali voire au Sahel ? Qu’est-ce que cette organisation aujourd’hui contrôlée par des dirigeants ayant fait allégeance à la France a-t-elle réellement fait pour stabiliser le Mali ?

Et contrairement à la période de déploiement de l’opération Barkhane et des forces européennes alliées, aujourd’hui les résultats de l’alliance avec la Russie sont palpables sur le terrain. Ainsi, de nos jours il n’y a pas de partie du territoire interdite aux FAMa. La preuve est la visite effectuée la semaine dernière par le Commandant de la région militaire N°7 à Tessalit, dans la région de Kidal. En effet, le Colonel Abdou Samba Sylla (dans le cadre de sa prise de fonction et d’une tournée dans son secteur de commandement) a effectué une visite de terrain au détachement de Tessalit le  février 2023. Ce qui n’était pas certainement envisageable il y a 2 ans sans la bénédiction et l’appui (politique et logistique) de la France.

Sans compter que, comme le dit si bien Crisis Group dans son récent rapport, en choisissant «le revirement stratégique, les autorités maliennes ont voulu se créer une base de soutien politique et offrir de nouvelles perspectives dans un pays aspirant profondément au changement après dix ans d’une crise sécuritaire sans issue apparente».

Et il est clair que la stabilité du Mali «nécessite davantage que des réponses sécuritaires». Il faut donc «une stratégie donnant une part plus large aux réponses politiques endogènes». Mais, cela ne signifie pas non plus de s’accommoder de toutes les atteintes à notre honneur et à notre dignité pour garder de faux amis.

Moussa Bolly

Source : Le Matin

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