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De père en fille

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Le 18 juillet 2017 restera gravé dans la mémoire de Hong Min. Ce jour marquant, cette infirmière et membre de la 24e équipe médicale chinoise au Mali a été honorée par la médaille du Chevalier du Mérite de la santé du pays à titre étranger, à l’issue de sa mission de deux ans. Selon le ministre de la Santé et de l’Hygiène publique de l’époque, Samba Ousmane Sow, cette cérémonie symbolise la reconnaissance des efforts des professionnels de santé chinois et souligne la longue amitié entre les peuples chinois et maliens. Mme Hong en est d’autant plus fière que son père, Hong Yusi, faisait partie de la première mission médicale chinoise dépêchée en République du Mali dans les années suivant son indépendance.

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Plus d’un demi-siècle s’est écoulé depuis le premier voyage de M. Hong en Afrique de l’Ouest, mais il conserve toujours des photos prises en 1968 lors de son premier séjour au Mali en tant que traducteur-interprète, accompagnant 20 professionnels de santé.

« Le ministère [chinois] de la Santé d’alors nous a demandé de ne pas travailler dans les zones urbaines, mais d’aller dans les endroits les plus difficiles », se souvient M. Hong. Les agents de santé chinois ont été finalement affectés à l’Hôpital de Markala, à quelque 280 km de la capitale malienne, Bamako. Les locaux ne disposaient ni d’eau courante ni d’électricité, obligeant les membres de la mission à se rendre au fleuve Niger pour chercher de l’eau. Chacun portait une lampe à kérosène le soir pour pouvoir lire et prendre en charge les patients hospitalisés. « En dehors de l’accueil clinique, nous avons dû passer du temps à cultiver des légumes et à fabriquer des maillots de corps nous-mêmes. Cela ne nous laissait guère de temps pour nous reposer », ajoute M. Hong.

Cependant, plus que les conditions de vie, ce sont les contraintes sanitaires locales qui ont posé le plus grand défi à l’équipe. Face à une pénurie de sérum standard, un technicien de laboratoire s’est fait prélever du sang ; un obstétricien a quant à lui enseigné à ses collègues comment pratiquer la respiration artificielle sur des nouveau-nés afin de réduire le taux élevé de mortalité néonatale et a lui-même donné du sang à une femme enceinte souffrant d’une hémorragie abondante. « En agissant ainsi, nous avons tenté de servir le peuple de tout notre cœur et jusqu’au bout, à l’instar de Yugong qui déplaça des montagnes », fait savoir M. Hong.

Homme unique du Zhejiang parlant couramment le bambara, langue majeure au Mali, M. Hong a participé à quatre missions médicales. Même retraité, il formait volontiers les équipes à cette langue, ayant créé un livret pédagogique et enregistré des expressions courantes sur cassette.

Mme Hong se souvient avec amusement de son père enregistrant des leçons de bambara à l’écart du bruit. Curieuse de ses missions médicales, elle raconte qu’il décrivait des conditions difficiles sans se plaindre, ce qui l’a motivée à vivre cette expérience elle-même.

Photos d’archive prises en 1968 montrant la vie et le travail de Hong Yusi au Mali en tant que membre de la première équipe médicale chinoise dans le pays. (COURTOISIE)

Marcher sur ses traces

En tant qu’infirmière en chef du service de chirurgie à l’Hôpital populaire du Zhejiang, Mme Hong a postulé pour la 24e mission médicale à envoyer au Mali en 2015. Bien qu’il soutienne pleinement la décision de sa fille, M. Hong craignait qu’elle ne parvienne pas à faire face aux défis. « Je suis né à la campagne, accomplir un travail acharné est une seconde nature pour moi, mais j’ai peur que ce ne soit pas le cas pour ma fille. »

En réalité, son inquiétude s’est avérée infondée. Le 20 novembre 2015, soit quatre mois jour pour jour après l’arrivée de la mission chinoise, une fusillade suivie d’une prise d’otages a eu lieu dans l’hôtel Radisson Blu de Bamako. Suite aux instructions de l’ambassade de Chine, l’équipe s’est mobilisée pour soigner les blessés dans un centre de réinstallation situé à seulement 500 mètres du lieu de l’attaque. Face au risque, aucun membre n’a reculé. « Ayant vu tant de collègues travailler jour et nuit pendant des années, je ne pense pas qu’il y ait des obstacles infranchissables pour nos agents de santé », affirme Mme Hong.

Durant deux ans, à l’Hôpital du Mali, résultat de la coopération entre les deux pays, Mme Hong a exercé en tant qu’infirmière en chef dans la salle d’opération. Outre les soins conventionnels prodigués au bloc opératoire, elle était très préoccupée par la pénurie d’infirmières dans ce domaine. Pour y remédier, elle a pris l’initiative de former les professionnels de santé locaux au respect des normes de qualité pour la pratique des soins infirmiers en chirurgie.

L’une des expériences qui l’a profondément touchée fut une mission de soutien organisée à l’Hôpital de Kati en juin 2016. Elle est en effet revenue aux locaux où s’est installée la mission de son père dans les années 1980. À cette époque, l’équipe chinoise avait œuvré au développement du service orthopédique de l’hôpital. Plusieurs années après le départ de la mission, ses effectifs restent les plus performants dans ce domaine à travers le pays. La population locale demeure attachée aux médecins chinois. Lorsqu’ils ont revu ces médecins à Kati, certains patients ont exprimé leur souhait de les voir revenir s’installer dans leur communauté.

De son côté, Mme Hong a été envahie par un sentiment mêlant temps et espace lorsqu’elle a constaté que le couloir, les balustrades et les murs étaient restés pratiquement inchangés par rapport aux images de l’album photo de son père. « Les générations précédentes sont nos modèles. Ce qu’il nous reste à faire, c’est de suivre leurs pas, de préserver la réputation qu’elles ont acquise auprès du peuple malien et de transmettre leur esprit de génération en génération », conclut-elle.

Une amitié de longue date

La Chine et le Mali entretiennent une relation de coopération dans le domaine de la santé depuis longtemps. De 1968 à 2022, la Chine a envoyé 28 équipes médicales au Mali, composées d’environ 900 médecins et infirmiers. En septembre 2011, le gouvernement chinois a financé et inauguré l’Hôpital du Mali, le premier hôpital général offert par la Chine en Afrique. Aujourd’hui, l’ensemble des membres de la mission médicale chinoise au Mali, qui étaient auparavant répartis entre les hôpitaux de Markala, de Kati et de Sikasso, s’y regroupent.

Source:Chinafrique

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