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Dramane Diarra sur le rejet de leur requête par la Cour Constitutionnelle : «Chacun de nous peut être fier…»

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Le magistrat Dramane Diarra, président de l’Alliance des générations démocratiques du Mali (Agdm), et membre de l’Appel du 20 février 2023 pour sauver le Mali, a réagi à propos de l’Arrêt de la Cour constitutionnelle du rejet de leur requête. Elle portait sur l’annulation pour inconstitutionnalité du décret n°2023-0276/PT-RM du 05 mai 2023 portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale, à l’occasion du référendum constitutionnel du 18 juin 2023. Lisez plutôt sa réaction!

Ce qu’il faut comprendre de l’Arrêt de la Cour Constitutionnelle sur l’annulation pour inconstitutionnalité du décret n°2023-0276/PT-RM du 05 mai 2023 portant convocation du collège électoral, ouverture et clôture de la campagne électorale, à l’occasion du référendum constitutionnel du 18 juin 2023.

Par sept (7) requêtes, de dignes fils du Mali, dont chacun de nous peut être fier, ont demandé l’annulation du décret de convocation du collège électoral pour le référendum du 18 juin 2023, pour inconstitutionnalité (défaut de base légale) et incompétence du président de la Transition convoquer le collège électoral pour un référendum sur le projet de Constitution, sur le fondement des articles 26, 40, 41, 71, 75, 85, 86, 118 et 121 de la Constitution, les articles 11, 28 et 31 de la loi organique moodifiée n° 97-010 du 11 février 1997 et les articles 4, 5, 11 et 13 de la Charte de la Transition.

Lorsqu’il s’agit de Constitution, la Direction générale du contentieux de l’Etat parle de loi électorale. Il est hors-sujet. La Direction générale du contentieux de l’Etat, agissant au nom et pour le compte du gouvernement de la Transition, au lieu de la République du Mali, comme indiqué par la Cour Constitutionnelle, a, de façon laconique, opposé seulement deux (2) articles de la loi électorale aux requérants. En effet, il a affirmé que le décret n°2023-0276/PT-RM du 05 mai 2023 litigieux est conforme à l’article 148 de la loi n°2022-019 du 24 juin 2022 alinéa 1 qui dispose : « Les électeurs sont convoqués par décret pris en Conseil des

Ministres… »

Que les requérants n’ont pas invoqué de disposition constitutionnelle ou même législative interdisant expressément la convocation du collège électoral et de la campagne électorale.

La Direction générale du contentieux de l’Etat a-t-il invoqué une seule disposition Constitutionnelle autorisant l’élaboration d’une « nouvelle Constitution ? NON, RIEN. Pourtant le décret querellé vise la Constitution et la Charte de la Transition. Il a poursuivi, ensuite, pour dire que l’article 118 de la Constitution du 25 février 1992 ne s’applique pas parce qu’il s’agirait « d’une nouvelle constitution » et qu’aucune disposition des articles 4 et 5 de la Charte de la Transition n’interdit au président de la Transition d’élaborer une nouvelle Constitution. Il finit par citer l’article 11 de la Constitution : « Tout ce qui n’est pas interdit par la loi ne peut être empêché et nul ne peut être contraint de faire ce qu’elle n’ordonne pas », une disposition ne s’appliquant qu’aux droits et libertés. Le cas échéant, pourtant les autorités de la transition sont entrain de contraindre le peuple Malien à subir une procédure que la constitution n’ordonne pas. Mieux, au lieu que la Direction générale du contentieux de l’Etat cherche un échappatoire en demandant aux requérants d’invoquer une disposition de la Constitution en vigueur qui interdirait l’élaboration d’une « nouvelle constitution », c’est déjà à lui de prouver que l’élaboration d’une nouvelle Constitution est prévue par la Constitution en vigueur et même la Charte de la Transition, car les actes pris dont le décret de convocation du collège électoral, en cause, visent la Constitution et la Charte de la Transition. Ce visa suppose que le décret est conforme à la Constitution et à la Charte de la Transition alors qu’il n’en est rien.

D’une autre part, il n’existe nulle part la procédure d’élaboration d’une nouvelle constitution. Ici, la Direction du contentieux de l’Etat oppose l’arbitraire et sa propre turpitude aux dispositions pertinentes de la Constitution et de la Charte de la Transition.

Quant à la Cour Constitutionnelle, elle fait une confusion terrible de genre en comparant le processus d’élaboration de la Constitution du 25 février 1992 à celui de la Constitution de 1974

En 1991, à la chute de la deuxième république, la Constitution de 1974 a été suspendue.

Un Acte fondamental a fixé la procédure d’élaboration de la nouvelle Constitution par le biais du Comité de Transition pour le Salut du Peuple (CTSP), organe législatif et la Conférence Nationale chargée d’élaborer le projet de Constitution qui sera adopté par référendum.

S’agissant des articles 41 et 118 de la Constitution, la Cour Constitutionnelle dit qu’ils s’inscrivent dans le cadre de la révision constitutionnelle (« pouvoir constituant dérivé ») alors qu’en l’espèce, il s’agirait « de l’adoption d’un projet de Constitution qui ne requiert pas l’application desdits articles de la Constitution ». Aussi, elle renchérit « qu’aucune disposition ni de la Constitution, ni de la Charte de la Transition ne fait obstacle à l’élaboration d’un projet de Constitution dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations des Assises Nationales de la Refondation (ANR) et son adoption. »

La même question posée au Contentieux de l’Etat vaut pour la Cour Constitutionnelle : aucune disposition ni de la Constitution, ni de la Charte de la Transition n’autorisant pas l’élaboration d’un projet de Constitution, pourquoi les actes de ce processus visent-ils la Constitution et la Charte de la Transition ? La Cour Constitutionnelle est donc incapable de justifier pourquoi le décret querellé vise la Constitution et la Charte de la Transition sans y être conforme ? L’annulation s’imposait dès lors.

Parlant des Assises Nationales de la Refondation (ANR), elles sont un conclave quelconque maléfique (cause de l’embargo de la CEDEAO) de quelques Maliens, opérées dans un contexte de division des citoyens, qui n’ont aucun caractère contraignant, encore moins souverain.

Rappel de l’article 26 de la Constitution : « la souveraineté nationale appartient au peuple tout entier qui l’exerce par ses représentants ou par voie de référendum. Aucune fraction du peuple ni aucun individu ne peut s’en attribuer l’exercice. »

A court d’argument, la Cour Constitutionnelle, à la page 17 de l’arrêt confondra terriblement des dispositions de la Constitution et de la loi électorale. Elle dira : ” Qu’il est constant que ledit décret est intervenu dans le strict respect des dispositions des articles 148 de la loi électorale et 33, alinéa 7 de la Constitution ainsi libellés, et par ailleurs le texte du projet de Constitution y étant annexé ; Que les articles 148 de la loi électorale et 33 alinéa 7 de la Constitution sont ainsi libellés : »

Et plus loin, en gras, elle indique : « Article 37 alinéa 7 de la Constitution : « La convocation des électeurs se fait par décret pris en Conseil des Ministres. » (Texte plutôt de l’article 37 de la loi électorale). Or, l’article 37 de la Constitution a trait à l’entrée en fonction du Président de la République, de sa prestation de serment, de la cérémonie d’investiture et de la déclaration de biens reçue par le Président de la Cour Suprême.

Par conséquent, la cour n’a pas répondu aux requérants par des dispositions constitutionnelles, mais des articles de la loi électorale. Elle est aussi hors-sujet. Les envolées lyriques de la Cour Constitutionnelle consacrant le reniement de la Constitution en vigueur et donc de son existence propre, et l’apologie des coups d’Etat.

De la fébrilité susdite, la Cour Constitutionnelle tombera dans l’apologie du coup d’Etat : « Considérant que « l’histoire des sociétés se construit à travers divers évènements dont les émeutes, les rebellions, les révolutions, les coups d’Etat peuvent faire partie. Chaque peuple fait sa révolution à un moment donné, de façon plus ou moins brutale, parce que cela correspond à une volonté de rupture…, lorsqu’une nouvelle ère s’ouvre justement pour les peuples, le premier acte politique fort dans l’Etat moderne est de se doter d’une Constitution qui va structurer et configurer le régime politique et social du pays conformément à leurs revendications et à leurs aspirations. »

Sauf qu’il y’a lieu de rappeler à la cour Constitutionnelle que la République du Mali est dotée déjà d’une Constitution depuis le 25 février 1992. La Cour Constitutionnelle poursuit en alléguant que : « Que la Constitution du 25 février 1992, comme plusieurs autres constitutions dans le monde moderne, ne prévoit aucune disposition relative à son abrogation ; Que le 18 août 2020, le Mali a connu une rupture constitutionnelle marquée par l’avènement du Comité National pour le Salut du Peuple (CNSP), lequel exerça le pouvoir d’Etat ; Que dans le cadre de cet exercice, il a été proposé et adopté par les forces vives de la nation, la Charte de la Transition promulguée par le décret n°2020-0072/PT-RM du 1er octobre 2020 ; qu’il s’agit bien là d’une charte constitutionnelle qui, aux termes de son préambule, « complète la Constitution du 25 février 1992… » ; Que ladite charte a déterminé ses organes politiques, ainsi que leurs missions, toutes les autres questions restant régies par la Constitution du 25 février 1992 ; » y compris la question du référendum, est-on en droit d’opposer à la Cour Constitutionnelle.

Pire, la cour dit : « Que pour sortir de ces situations de faits et revenir à la légalité constitutionnelle, ce sont bien les autorités en charge de la gestion de l’Etat en ces moments, en leur qualité de pouvoir constituant originaire, qui ont élaboré des projets de constitution et fait adopter lesdits projets par le peuple pour aboutir à la Constitution de 1974 et à celle de 1992 ; Considérant qu’en l’espèce, c’est par arrêt n°2021-02/CC/VACANCE du 28 mai 2021 que le président de la Transition a été déclaré chef de l’Etat et installé dans ses fonctions ; qu’en cette qualité, il exerce, conformément aux dispositions de l’article 5 de la Charte de Transition et la Constitution du 25 février 1992, les pouvoirs et attributions qui lui sont dévolus ; que c’est dans sa mission d’assurer la continuité de l’Etat en application de l’article 29 de la Constitution et permettre le retour à la légalité constitutionnelle que s’inscrit la prise du décret querellé ; que le projet de constitution y annexé et soumis à referendum a été élaboré suivant un processus constituant régulier ; que titulaire du pouvoir constituant originaire, la décision du chef de l’Etat de convoquer le collège électoral pour un référendum est une décision constitutionnelle, politique libre de toutes exigences juridiques, sauf à respecter les formes dans lesquelles la convocation doit intervenir. »

Ainsi dans ses dires au relent de digressions, la cour admet que la Constitution du 25 février 1992 existe et est complétée par la Charte de Transition. Cependant, elle affirme que le président de la Transition, chef de l’Etat, use des prérogatives du président de la République, chef de l’Etat, conformément à l’article 29 de la Constitution en vigueur, pour permettre le retour à la légalité constitutionnelle. D’où la prise du décret disputé.

En s’exprimant ainsi, la Cour constitutionnelle admet qu’il n’y a pas de légalité constitutionnelle même si elle renvoie, au même moment, aux dispositions de l’article 29 de la Constitution pour chercher à se tirer d’affaire. Alors elle se renie elle-même, chargée du contrôle de constitutionnalité des lois.

Ensuite, il est à clarifier à la cour qu’aucun amalgame n’est possible entre le processus d’élaboration de projet de constitution et de referendum en 1992, et leprésent processus arbitraire visant la constitution en vigueur sans pouvoir s’y attacher, et ne pouvant, du reste, s’attacher à aucune loi, à aucun acte juridique. Le pouvoir constituant n’est autre chose que le pouvoir déélaborer et modifier une Constitution. Il y’a deux types de pouvoir constituant, en effet : le pouvoir constituant dérivé étant le pouvoir de réviser, de modifier la Constitution suivant une procédure prévue par elle ; le pouvoir constituant originaire est le pouvoir de faire, d’établir, de créer une nouvelle Constitution. Cela suppose une disparition de l’Ordre juridique précédent, comme en 1991. D’où la nécessité de créer un nouvel ordre, à travers la mise en place d’une assemblée constituante élue par le peuple (Chambre unique composée de membres élus par les citoyens, chargée de rédiger un nouveau texte constitutionnel). Ce qui n’est nullement le cas en ce moment au Mali.

Par conséquent, ni le président de la Transition, qui n’est pas président de la République, donc ne jouissant d’aucune légitimité, encore moins les « Assises Nationales de Réfondation » ni élues, ni ayant mission de rédiger un projet de nouvelle constitution, ne peuvent être titulaires de pouvoir constituant, tant que la constitution demeure en vigueur.

Source: Tjikan

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