Lors de sa création en 2011 dans le Nord du Mali, le Mouvement pour l’unité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) a clairement laissé entendre que son objectif est de s’incruster dans la sous-région ouest-africaine. Le Sahel n’était pour ce mouvement, qu’une porte d’entrée.
Le Mujao, quelques années plus tard, est devenu l’Etat islamique au Grand Sahara (EIGS), tout en poursuivant sa politique d’expansion. Son rival sur le terrain, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim) n’est pas en reste dans cette ambition d’expansion.
Le 13 mars 2016, le Jnim organise une fusillade à Grand-Bassam, une station balnéaire ivoirienne, classée au Patrimoine mondial de l’Unesco : 18 morts. La Côte d’Ivoire partage une frontière avec le Mali, et une autre de plus de 500 km avec le Burkina.
D’après les recoupements du confrère La Lettre Confidentielle du Sahel (LCS), les mouvements extrémistes qui tentent de tenir des positions en Côte d’Ivoire sont coordonnés par un certain Sidibé Rasmani alias Hamza, affilié au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (Jnim).
La doctrine politico-militaire antiterroriste ivoirienne repose sur le principe monopoliste de l’Etat et de l’intangibilité des frontières. Pour l’architecture militaire « aucun m2 du territoire ne doit être cédé aux terroristes ». Ainsi, le pays s’est employé à construire une muraille sécuritaro-militaire à travers la création d’une « zone opérationnelle nord » qui, en pratique, implique une révision de la carte militaire nationale, par une importante activité opérationnelle.
Ostensiblement, depuis 2021, le pays n’a pas subi d’attaque terroriste, en dépit de nombreux projets et velléités d’attaques. Dans l’absolu, le modèle antiterroriste ivoirien pourrait faire cas d’école dans une sous-région symboliquement vulnérable et poreuse aux discours des groupes terroristes.
A divers points de vue, cet opportunisme ne doit occulter une somme de pathologies sociales et une veille modérée sur les signaux faibles et forts du terrorisme, surtout son versant idéologique.
La problématique VDP
Manifestement, le niveau de fragilité de l’Etat burkinabè expose la Côte d’Ivoire. En effet, depuis 2021 le pays est confronté à un flux de réfugiés dont le pic a été atteint cette année, avec plus de 20 000 déjà recensés. Faute de structures d’accueil, les déplacés sont reçus dans des familles selon les liens de familles ou de société.
Sur place, une coaction de gestion entre l’Etat, officiellement représenté par l’Office national de l’état civil et de l’identification (Oneci) et du Haut-commissariat des réfugiés les Nations unies (HCR) s’emploie à recenser les déplacés : ceux qui ont fui les exactions des jihadistes et ceux qui fuient devant les abus des Volontaires pour la défense de la patrie (VDP).
Certains éléments des VDP, à cause des exactions, accréditent la thèse d’une milice ethnique criminelle. Les attitudes de ces VDP sont préjudiciables aux liens communautaires et déteignent sur des localités ivoiriennes. En plus de milices Donzo, les VDP ternissent l’image de la lutte contre les jihadistes.
En matière de terrorisme, le flux des réfugiés est un facteur important d’autochtonisation ou d’endogeinisation de la violence terroriste. Ces déplacements massifs de populations sont théorisés par Abou Bakr Naji : « Lorsque vous rencontrez des difficultés à mener des combats avec sérénité et succès, vous devrez mettre en œuvre des moyens de déplacements massifs des populations vers votre cible. En règle générale, les Etats sont plus enclins à un devoir de solidarité et de quête de publicité humaniste internationale que de s’intéresser de plus près à nos actions secrètes ».
Par le mouvement des réfugiés, les groupes terroristes visent à obtenir des relais locaux, généralement, dans l’hypothèse où la majeure partie de ceux qu’ils en disposaient, ont été interpellés ou se sont désolidarisés. Ce postulat a été expérimenté au Sahel, dans la phase de territorialisation du terrorisme et y a connu du succès.